Nous avons une belle vie. Mon mari et moi avons chacun un travail qui nous plaît, lui dans la mécanique horlogère de précision, moi dans l’enseignement. Nos enfants sont tous trois en bonne santé et nous sommes épaulés au quotidien par une famille adorable, toujours là quand nous rencontrons une difficulté. Je dirais, d’une façon générale, que l’existence a été clémente avec nous tous et même si nous avons nos coups durs et nos petits drames, nous nous sortons très chanceux de ces 10 premières années de vie de famille avec nos enfants.
Pourtant, rien n’est acquis. Le bonheur ne tient parfois qu’à un fil, et parfois il suffit juste de le décider. Bien sûr que cette remarque est valable et facile à exprimer quand tout va bien. Mais elle peut aussi être un moteur au quotidien quand les événements se compliquent.
Vous qui connaissez nos voyages, nos photographies, une partie de nos passions, vous ignorez nos visages et nos motivations à mettre du baume au cœur de nos vies. Nos difficultés du quotidien ne sont sans doutes pas bien différentes des vôtres. Une famille, des horaires, des cris, des larmes parfois, des rires et des câlins. Et puis au fil des années arrivent les atypies de nos enfants. On se rend compte, pour certains très tôt, que non, rien n’est simple pour eux. Surtout dans un monde où l’on n’est toujours pas habitué à la différence. La dyslexie, un trouble qui m’apparaît plus comme un handicap invisible et encore si peu connu de ceux qui n’y sont pas confrontés. Le TDAH, qui n’est flagrant pour tout un chacun que quand il montre une hyperactivité sévère. Mais ce trouble reste injustement et tristement ignoré quand on réussit au prix d’énormes sacrifices à le compenser. Et il peut faire des ravages absolument insoupçonnables dans le coeur et dans l’esprit d’un enfant. C’est quand vous voyez votre enfant perdre pied dans ce monde, elle qui était pourtant si confiante dans un passé pourtant proche, que vous commencez à comprendre. Et encore, vous comprenez parce que vous y baignez de par votre métier. Et quand vous pensez être aidés parce que vous avez compris en quoi résidaient les difficultés de votre enfant, vous tombez. De haut. Parce que vous réalisez que vous êtes seuls à voir, à comprendre, à savoir. Et le chemin est long pour que l’on vous écoute, que l’on vous croit, que l’on ait confiance en votre jugement. Parce que vous n’êtes jamais qu’une petite maîtresse et un mécanicien. Et puis… si le problème était si important, il se verrait, non?
Ce sera donc une forme de combat que nous devrons entamer. Un combat contre nos proches, contre certains professionnels et surtout contre nous, pour ne pas flancher, pour garder la tête froide et ne pas se laisser démonter ou influencer avant d’avoir été entendus et reconnus.
Le jour où son diagnostique est enfin tombé, j’ai été sonnée. Elle a crié de joie. J’ai été sonnée parce qu’au terme de ces quelques années j’ai été enfin validée et reconnue dans mes observations. Et ça je n’en avais pas l’habitude. Elle a crié de joie, parce qu’elle avait immédiatement compris qu’elle serait enfin aidée. En quelques minutes, la promesse était lancée. Celle qu’on ne laisserait plus mon enfant dans sa douleur, dans son incertitude, dans son impression toujours plus grandissante de ne pas être adaptée au monde. Parce que personne, à part nous ses parents, n’a pu constater les dégâts que peuvent causer un trouble qui n’est pas reconnu. Ses soirées à pleurer, la honte de ne pas y arriver malgré des efforts acharnés, l’incapacité à se comprendre soi-même. Oui, en l’espace de quelques mots, elle allait être aidée. Et elle l’a été. Quelques termes alignés: dyslexie, dysorthographie, TDAH, HPi. Une toute petite tablette à avaler chaque matin. Des aides scolaires qui sont aménagées. Et effectivement la vie… Sa vie… Notre vie a changé!
Tout n’est pas réglé d’un coup de baguette magique et les difficultés sont encore bien présentes. Elles sont parties pour perdurer pendant des années. Le combat se poursuit en ce moment pour les plus petits. Un combat simplifié, grâce à une grande sœur courageuse qui a déjà ouvert la voie. Mais un long chemin quand même pour chacun d’eux.
Alors voilà, puisque la vie n’est pas toujours rose pour nos enfants, puisqu’ils doivent parfois endurer des difficultés que nous n’aurions pas souhaitées pour eux, nous nous disons que c’est aussi notre devoir de les soulager des chagrins du quotidien. Quand la vie ne vous met pas forcément sur le chemin du bonheur, c’est à vous de décider de l’emprunter. Et pour ce faire, nous avons choisi d’employer 4 roues et une capucine au dessus.
La vie est belle, nous sommes en bonne santé, tous nos enfants finiront par être aidés et… en attendant… Nous nous gaverons de bonheur autant que nécéssaire pour contrer les petits coups de mou de la vie. Nous remplirons nos enfants et nous-mêmes, de joies et de rires. Nous nous créerons des souvenirs incroyables dès que l’occasion se présentera, quitte à ne pas toujours être compris dans notre besoin de liberté. Nous, nous savons. Nous, maintenant, nous vivons.
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